Dans cette affaire, les acheteurs réclament une indemnité de 49 000 $ pour la stabilisation des fondations de leur maison et des dépenses afférentes suite à la découverte d’un vice de construction apparu quelques mois après la vente, malgré une dénonciation de fissures existantes et une exclusion de la garantie légale. Le vendeur appelle son propre vendeur en garantie pour une transaction datant de plus de 20 ans.
Dès leur visite préachat à l’automne 2012, les acheteurs Boudreault et Gouin constatent une dénivellation du plancher de la salle à manger. Ils s’informent auprès du vendeur quant à la cause de cette dénivellation et des fissures apparentes au sous-sol. Leur vendeur, M. Boily, les rassure alors qu’il n’y a eu aucune nouvelle dénivellation depuis la réparation qui a été faite, il y a plus de 20 ans, avant qu’il achète lui-même la maison en 1991. M. Boily a d’ailleurs suivi et noté l’évolution des fissures à travers les années et confirme aux acheteurs avoir appris à vivre avec ce petit inconvénient. Les acheteurs ne poussent pas plus avant leurs recherches et négocient plutôt une réduction du prix de vente correspondant à ce vice apparent qu’ils évaluent à 10 000$. Une clause excluant la garantie légale quant aux fissures est ajoutée au contrat de vente.
Toutefois, quelques mois après l’achat, les acheteurs constatent de nouvelles fissures et une détérioration à l’intérieur de la résidence au niveau des fenêtres, du plancher et des murs et l’affaissement de la propriété. À la suite de ces constatations, les acheteurs procèdent à une expertise des fondations et du sol. L’expert attribue alors les fissures et l’affaissement de la maison au fait que le solage est fondé à cheval sur un roc à l’avant et sur des dépôts de matériaux de remblai et de glaise à l’arrière. Le tassement différentiel du sol sous la fondation à l’arrière constitue, selon lui, un vice de construction grave qui affecte la valeur de l’immeuble.
Après avoir dénoncé la problématique à leur vendeur, les acheteurs effectuent les réparations, au coût de 49 226.17$ qu’ils réclament, moins la somme de 10 000$ qu’ils avaient envisagé d’investir en rénovation et réparation lors de la découverte des fissures au moment de l’inspection préachat. Toutefois, ils réclament une somme de 10 000$ à titre de troubles et inconvénients notamment pour le temps consacré aux travaux de réparation (plus de 386 h).
Pour le Tribunal, le véritable vice caché est la construction sur un sol partiellement instable à l’arrière de la résidence. Ce vice date de la période de la construction (1985), et il a fallu attendre l’expertise réalisée par les acheteurs pour en constater l’existence et l’ampleur. Il s’agit donc d’un vice caché au sens de l’art. 1726 du Code civil du Québec qui est imputable à l’ensemble des vendeurs. Toutefois, comme ce vice leur était inconnu, les vendeurs sont exonérés du paiement des dommages et intérêts affairant à ce vice. Le juge détermine que les acheteurs doivent obtenir une réduction du prix d’achat équivalant au montant des travaux de réparation moins la somme de 10 000$ qu’ils avaient obtenue lors de la vente, pour un montant total de 25 877.04 $, incluant une indemnité de 5 000$ pour le temps consacré aux travaux, soit au total environ 6% de la valeur de l’immeuble.
En ce qui concerne le premier vendeur de l’immeuble, selon le même raisonnement, et rappelant que la prescription n’est applicable qu’au moment de la connaissance du vice, le Tribunal établit sa responsabilité à la somme de 5 770$, soit ce même pourcentage de 6% de la valeur de l’immeuble, mais calculé sur le prix de la vente en 1991, moins la dépréciation pour les 21 années d’occupation paisible.
En résumé, même 20 ans plus tard, vous pouvez être tenus responsables d’un vice de construction qui affecte une propriété que vous avez vendue. En cas de doute, consulter un expert.
Me Sébastien Tisserand
Juin 2017
Ce bulletin ne constitue pas un avis juridique et a été rédigé uniquement afin d’informer les lecteurs. Ces derniers ne devraient pas agir ou s’abstenir d’agir en fonction uniquement de cette chronique. Il est recommandé de consulter à cette fin leur conseiller juridique.